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lundi 20 mars 2023

La colère.

 

Le jour prend la main de la nuit qui tremble de peur.
Le ciel est bas.
Des éclairs sauvages sortent de terre.
Un vent noir torture les ombres inertes
sombrant dans le sommeil interdit.
Des cris de colère montent en autant de nuées
ardentes,
bruyantes,
effrayées.
Les repères tangibles de la sagesse s’égarent dans le vacarme ininterrompu de huées incendiaires.
Le Veau d’Or est de retour,
avec dans son sillage le chant des bourreaux
que les plaintes des esclaves couvrent déjà.

 

mardi 14 mars 2023

Il faudra encore du temps...

 

Forêt de Saint Nicolas de Bourgueil, dévastée par la tornade de juin 2021.
Photos de 2023.


Un vent délétère agite l’horizon avec acharnement, étirant les ombres fragiles des nuages perdus dans le ciel bleu froid du jour. L’hiver s’ennuie, mi coloré, mi gris, auprès des vignes taillées avec force, où ronchonnent de curieux tourbillons. La pluie battante de la nuit a fait son œuvre et des sillons tapissés de pierres crème ont ouvert la terre en de longues plaies béantes. Sur les chemins trempés, la boue git autour de flaques sombres ou se regardent les arbres nus et tremblants.

Je me saoule du vent égaré dans mon écharpe, les mains collées dans les poches, les yeux engourdis pas la fraîcheur de l’air. Le soleil est là, coincé dans ce décor piquant, bousculé par les bourrasques belliqueuses. Dans cette nature en colère, je retrouve l’aigreur des frissons d’il y a deux ans. Je retrouve le paysage d’apocalypse. Le sol meurtri, les arbres arrachés.

Il faudra encore beaucoup de temps pour que toute chose retrouve sa place. Le murmure des feuilles sur les branches. Le chant des fleurs dans les fossés. L’éclat de l’eau sur les étangs. Le ballet incessant des oiseaux besogneux dans le début du printemps.




 

mercredi 8 mars 2023

Le temps.

 

 

La Loire, entre chien et loup.

Je quitte ton lit,
timidement,
avec une lenteur souple,
sans déchirer ta nuit.

Tu dors paisible, belle Dame…
Un essaim d’étoiles éclaire le ciel d’une trainée de poudre malicieuse. Le soleil docile vient de se glisser dans la terre encore froide pour y semer le jour à venir. Ton souffle vaporeux saupoudre ton long miroir pastel d’une brume sauvage et tiède. Tes paupières, empourprées d’azur indigo, éclaboussées de poussière de lune, tremblent au-dessus de tes songes facétieux qui te font sourire.

Tes lèvres,
accrochées au brillant éphémère d’un verni dérisoire,
attendent le velours de mon baiser volage.

Egaré dans l’insomnie, je songe au temps. Celui passé, celui passant, celui dépassé. Je regarde tous les bonheurs colorés qui se sont enroulés autour de notre voyage. Tantôt sous le soleil. Tantôt sous les nuages. Vois-tu encore ces ondées s’aventurant sur notre passage pour encombrer notre course ? Nous, blottis sous un parapluie de fortune, tes majestueux saules impassibles, généreusement ouverts sur l’intime sentier de nos rires, cœur contre cœur, laissant s’enfuir, d’un pas chaste et aérien, les gouttes d’eau devenues ruisseaux maladroits où s’enfouissent nos silences dans un tourbillon ténébreux…