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vendredi 7 novembre 2025

Le soir se défait.

 

 

 

la Haute Barde (37) retour du bain 1950

Silhouette florale recevant l’existence, éclosion fraîche apparue dans un chemin étroit.

Tu souris, longiligne et féline… gracieuse comme un papillon blanc battant des ailes au cœur de mon oubli. Tu es belle baignée de lumière. Sage et rebelle. Épaules nues, bijou scintillant sur une gorge inconnue. Sautillant avec un cliquetis émerveillé.

Sourire. Du sourire plein ton visage. Tes yeux fins ouverts sur la vie. Pas un tremblement. Pas une ride. J’entends ton pas, sens le feulement de la soie sur tes jambes en mouvement. Mais pas ta voix.

Comme tu es vivante. Comme tu es belle. Comme Papa a de la chance d’être aimé de toi… Je lis cette étonnante photo écornée. Je te vois enfin. Je touche du doigt ton absence et le poids cruel dont elle m’étouffe.

Le soir se défait. Le noir suintant de bleu fatigué envahit l’étoffe de ta jolie robe, la tâche de reflets sombres. La nuit qui approche ne t’empêche pas d’être heureuse. Le temps qui va s’arrêter, demain ou un autre jour, non plus.

Les baisers de Papa ne viendront plus se poser en papillons chamarrés sur la peau de ton cou.

Même la nuit va mourir quand tu vas partir…

Mais toi, tu ne le sais pas encore.

 

8 commentaires:

  1. Quelle était belle ! Et combien sont émouvantes, ces découvertes dans le fond d'un carton, dans un tiroir. Le poids des photos...

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    1. Le poids des photos, surtout celles cachées et que l'on déniche par hasard, sont des messages qui ravivent de lointains souvenirs.
      Du bonheur à titre posthume, mais du bonheur avant tout.

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  2. Très émue par ton texte, d'autant plus que je viens de trier de vieilles photos où j'ai vu ma maman a 20 ans avec une jolie robe blanche...

    "Sur toile souvenirs,
    Sur fond de nostalgie,
    Quand s'oublie l'avenir,
    Quand partir c'est mourir,
    Je voudrais dessiner
    Des fleurs bleues pour rêver...."
    **** "Là où nous sommes
    dans l'instant éternel
    il n'y a pas de mots, puisque tout est là.
    Là où nous ne sommes pas dans la suite des heures
    il n'y a plus rien que des mots,
    enroulés sur eux-mêmes,
    comme ces duvets d'oiseaux oubliés par le vent
    dans l'ornière des chemins."

    La présence pure
    Christian Bobin

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    1. Bobin portait en lui une douce poésie sensible.
      Merci pour cette référence qui me touche.

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  3. Le soir se défait, mais pourtant le temps demeure beau dans l'éternité.
    Merci letienne.
    Emotion. Merci.
    Doux dimanche à toi.

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    1. J'ai très peu connu ma Maman, chaque photo que je découvre la concernant me rapproche d'elle.
      Des frissons, parfois des larmes... toujours des mots qu'elle lit sans doute là où elle veille sur moi.

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  4. C'est touchant, les mots emportent à ta suite. L'émotion est là tapie dans le texte et la photo qui ne font qu'un seul et même artefact

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    1. La photo a été prise en 1950, le texte est plus récent, mais effectivement, affectivement le voyage génère la même émotion.
      On tremble parfois de ses souvenirs sur pellicule qui ne sont pas nos propres souvenirs, mais ceux saisis par d'autres personnes.
      Et quand la femme photographiée est celle qui vous a porté... le bouleversement est encore plus fort.

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