Poète à l’encensoir
bousculé,
poète des soirs élimés,
poète aux rimes désabusées,
poète égaré sur un trottoir cabossé…
Le
poète des soirs envoutants tremble, le ventre infesté de papillons. Les yeux
brûlants. Une longue nuit va l’engourdir. La lune fera jaillir de son encrier
de faméliques serpentins nacrés qu’agitera l’air acre. Alors, il pourra ouvrir
les portes de sa mémoire, s’emparer du poivre piquant de ses peurs secrètes et
les jeter dans le couloir de ses silences stériles pour éteindre sa solitude
rebelle.
La
peur au ventre, il essaime le bruissement des ailes de papillons éparpillés,
affolés dans le noir, tricotant un lainage sans tenue. La nuit porte en elle des
gestes déçus que le lutin lunatique n’efface plus, tant il a plu sur son corps
nu. Un baiser rouge et gras d’une insolente gourmandise se pose sur son épaule,
dernier refuge à l’oubli.
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Photo empruntée au net. Igor Levchenko - Vladikavkaz (Russie)
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- Dis-moi, quelle heure est-il ?
Ces mots fusent dans les boursouflures tièdes des draps
fins où la muse sommeille.
- C’est important ?
- J’attends le jour, j’ai faim de soleil et mes
yeux ont froid…
- La nuit épaisse ne veut pas nous quitter et la
lune ne viendra pas. Le jour, lui, est encore loin pour sentir ton parfum. Rendors-toi
ma Belle.
- Mais toi ?
- Oh moi, j’aime déambuler dans les jardins
outremer, là où la lumière sait se taire.
Dans un
bleu insondable,
le dernier papillon aux ailes décolorées
secoue l’instant indigo où la fin de nuit se prépare
pour son étreinte
avec les premières miettes du jour.