Mais non, je ne t’ai pas trahie…
L’air plonge dans tes rares
remous et le vent peine à caresser tes rides fatiguées. Plus rien ne bouge dans
ce ciel sans nuage.
Tes bras, tes jambes, ton corps
qui glisse sans retenu dans son lit désert, c’est une plainte de plus qui finira
par se taire. Un incroyable silence mûrit déjà dans ton onde en peine, même si
tu dis avoir toujours froid.
Non, je ne t’ai pas trahie.
J’avais
besoin de rire ailleurs, sous un autre soleil, sans être recouvert par tes
moqueries innocentes. J’avais besoin d’un horizon plus clair, plus sauvage. Un
univers où des mains se poseraient sur moi sans savoir pourquoi, pour juste un
peu de plaisir donné à la dérobée. Je voulais fausser compagnie au mélange
avachi du rêve et de l’espoir. Tromper l’attente. Masquer l’abandon. J’avais
besoin de croire de nouveau à des nuits folles, à des matins discrètement
mutins. Au bleu du temps qui enveloppe les respirations rauques, brumeuses,
assoupies, épuisées. A une complicité sans bavardage.
J’ai cherché en vain le tumulte
gracieux d’une connivence sans décor pompeux. J’ai cru au mirage de ma liberté,
aux couleurs d’une autre contrée.
Mais comment vivre loin de toi,
sans toi. Comment effacer de ma mémoire tes îles secrètes, tes eaux brunes, ton
souffle tiède, tes courbes changeantes, ta sensualité lascive dans son duvet de
brume fraiche et piquante. Ce parfum suave qui n’appartient qu’à toi.
Je te reviens après avoir
rencontré les mensonges, la boue grasse des ports de mer, mais sans avoir gouté
aux poisons amers d’autres sources. Sans avoir sombré dans des dérives sans but, sans
issue.
Je te reviens parce que tu m’es
précieuse. Sans toi je suis nu, vide, sec et sans raison d’être.
Non ma Loire, je ne t’ai pas trahie… tu m'as manqué.
Bords de Loire face à Candes Saint Martin (37), le 21 octobre 2018.